Le sexocorporel dans la promotion du plaisir sexuel



Le Sexocorporel est une vue globale de la sexualité humaine qui prend en considération toutes les composantes physiologiques, émotionnelles, cognitives et relationnelles qui interviennent dans l’expérience sexuelle. Développé par le professeur Jean-Yves Desjardins au Département de Sexologie de l’université de Montréal au Québec dans les années 1980, il a été appliqué, enseigné et affiné par les sexothérapeutes du Canada et de plusieurs pays européens.


Le Sexocorporel propose une définition de la santé sexuelle fondée sur la capacité à expérimenter le plaisir sexuel (Desjardins, 1996). En sexologie en général, le rôle du plaisir sexuel est souvent étonnamment négligé. La recherche sur le plaisir sexuel commence à peine à se mettre en place (Komisaruk, 2010). Les plaisirs non sexuels correspondent aux composantes sensorielles, affectives et cognitives (Kringelbach, 2009). En Sexocorporel, ces composantes sont attribuées au plaisir sexuel, et des conditions sont définies pour leur fonctionnalité optimale afin de permettre d’atteindre un plaisir maximal :
1· Composante physiologique : la capacité d’amener son excitation sexuelle au point de décharge orgastique en utilisant son corps de la meilleure façon pour faciliter les sensations physiques hédoniques.
2· Composante affective : la capacité à percevoir ses sensations physiques pendant l’excitation et l’orgasme, combinée à des émotions hédoniques intenses et à un relâchement émotionnel.
3· Composante cognitive : la capacité à donner une signification positive à l’expérience.
En réalité, ces composantes interagissent intimement mais pour des raisons didactiques, nous les considérerons séparément.

I. Les composantes physiologiques du plaisir sexuel

L’excitation sexuelle génitale est agréable. Cette observation semble relever du sens commun, et pourtant ce n’est pas toujours le cas : nombreux sont les patients qui viennent nous consulter justement parce que ce n’est pas ainsi qu’ils la ressentent. Assez étonnamment, beaucoup d’écoles de thérapie sexuelle ne tiennent pas particulièrement compte de la véritable réalité génitale de l’expérience sexuelle d’une personne. En Sexocorporel, il s’agit d’un sujet central. L’excitation sexuelle génitale se fonde sur un réflexe inné qui peut être déclenché par différentes sources sensorielles et stimuli. On l’observe très tôt, in utero, chez les fœtus mâles. On constate une vasocongestion génitale, une accélération de la respiration, une élévation du tonus musculaire et d’autres modifications liées au système nerveux autonome. Ensuite, sous l’influence de nombreux facteurs non encore bien élucidés, une deuxième réaction semblable à un réflexe se déclenche : la décharge orgastique (les contractions musculaires spasmodiques involontaires suivies de la résolution).
Depuis Masters and Johnson, des recherches et des descriptions physiologiques ont été effectuées sur ce cycle de réponse sexuelle. Cependant, le simple processus du cycle en soi ne nous dit rien sur la qualité de l’expérience ni sur la réalité de sa perception. D’après des mesures effectuées en laboratoire, l’excitation sexuelle génitale chez les femmes ne serait pas nécessairement ressentie ou perçue comme agréable (Meston, 1995). La vasocongestion génitale provoque des sensations de chaleur, de picotements, de tension, de pression, d’humidité, etc. Une expérience clinique avec des femmes anorgastiques montre que la capacité de les percevoir positivement s’acquiert par la pratique. Ces femmes commencent souvent par ne ressentir que très peu de plaisir dans leurs parties génitales. Elles peuvent consulter avec cette question : « Ai-je seulement un clitoris ? Je ne ressens rien à cet endroit. »
Après certaines recommandations, on suggère de pratiquer des stimulations répétées de la vulve et du vagin, et cela donne de bons résultats. Sur un plan neurologique, la répétition de la stimulation des récepteurs nerveux sensoriels périphériques conduit au développement de synapses dans le cortex somatosensitif et dans les centres cérébraux du plaisir. De nombreuses femmes atteignent l’âge adulte sans avoir eu beaucoup d’occasions, de permissions ou d’encouragements à jouer avec leurs propres parties génitales et à développer ces synapses. C’est une des raisons pour lesquelles les difficultés à parvenir à l’orgasme, en particulier pendant les relations et les rapports sexuels, sont parmi les plaintes les plus fréquemment exprimées par les femmes, bien plus que par les hommes qui, dès leur plus jeune âge, ont facilement un contact tactile et visuel avec leurs parties génitales et par conséquent plus de chances de développer certaines synapses. Cependant, beaucoup d’hommes ne font pas non plus l’usage de tout leur potentiel neurologique et peuvent présenter des troubles de l’excitation sexuelle.

KAROLINE BISCHOF MD
Gynécologue et Sexologue,
Directrice d’enseignement du Sexocorporel en Suisse alémanique et en Allemagne. 
 



Rédigé le Lundi 26 Septembre 2016 à 11:53 | Lu 444 fois modifié le Mercredi 14 Novembre 2018
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