Elle s’est mariée il y a trois ans, avec Denis (35 ans) dont elle partage la vie depuis cinq ans. Le rendez-vous médical est en rapport avec leur désir d’enfant. Irène occupe un poste cadre dans une multinationale et possède, outre une formation HEC, un trilinguisme français-anglais-espagnol. Son mari est technicien de pointe dans une entreprise horlogère réputée. Elle me décrit son couple comme stable, paisible et cite une bonne communication au sein de celui-ci. Les rapports intimes, même sans pénétration, sont agréables et fréquents avec du désir, du plaisir et des orgasmes. Cette jeune femme est ivoirienne, de confession catholique, et ses parents se sont installés en Suisse juste avant sa naissance. Son père est en mission diplomatique, sa mère est restée au foyer. Elle décrit sa mère comme soumise et distante et son père relativement imbu de lui-même et peu affectueux avec elle. Elle a une sœur, Julie, de deux ans sa cadette.
Sa vie sexuelle débute à 18 ans avec un homme qu’elle dit brutal et sans coeur. La vie sexuelle avec ce dernier était quasi inexistante. Cette relation durera deux ans et elle restera seule deux autres années, jusqu’à la rencontre avec Denis. Toutes ces informations me seront rapportées lors de notre premier rendez-vous. A l’occasion de notre deuxième rendez-vous, nous évoquons la découverte de la sexualité. Les premiers émois sexuels sont apparus, selon elle, dans l’adolescence précoce (elle n’a pas en mémoire l’âge). L’autoérotisme était présent, toutefois jamais de tentative de pénétration et toujours avec beaucoup de culpabilité. L’imaginaire érotique semble construit sur un mode tendresse. Ce n’est qu’à la troisième séance qu’Irène me parlera d’un événement qui l’a traumatisée.
Elle est derrière une porte fermée, elle a 12 ans. Sa petite sœur de 10 ans est de l’autre côté avec son père. Irène entend des rires des deux acteurs de la scène, puis des « non ! » répétés de sa sœur et quelques sanglots étouffés. Irène reste paralysée derrière la porte et se dit incapable d’aider sa sœur.
Jamais cela n’a été évoqué dans la famille, le dialogue a toujours été inexistant. Irène dit qu’elle ne sait plus la part de la vérité ou de l’imaginaire dans le récit
qu’elle fait de cet événement. Par contre, Irène n’a jamais vécu d’approche incestueuse de la part de son père. Elle est persuadée que c’est dû à son physique que sa mère qualifiait de « nettement moins avantageux que sa soeur ».
Cette troisième séance complète donc l’anamnèse de façon primordiale.
***
DEMANDE DE LA PATIENTE ET SYMPTÔME SEXUEL ET AFFECTIF
La demande de la patiente est de pouvoir avoir des rapports avec pénétration afin de débuter une grossesse. Le symptôme sexuel est une dysfonction coïtale, plus précisément un vaginisme primaire permanent, non sélectif, sans troubles associés du désir et du plaisir. Il existe chez Irène une peur de son intimité, de son identité sexuelle, peut-être liée à son histoire familiale. Comme souvent cette pathologie concerne une personne à tendance phobique, anxieuse et évitante en ce qui concerne cette région de son corps. Elle est cependant d’accord de se confronter à sa problématique.
***
BASES ET REPÉRAGE
Observation physico-comportementale
Dans la salle d’attente, Irène est assise sagement, blottie dans sa beauté d’ébène dont elle n’a pas encore conscience. On dirait une longue enfant (elle est très grande et mince) pas encore incarnée dans la peau de femme. Elle porte un tailleur sobre qui contraste avec son allure infantile mais sûrement dû à sa fonction professionnelle et ses cheveux sont relevés de façon un peu austère. Elle ne démontre que peu de signes extérieurs de féminité, comme si ni l’extérieur ni l’intérieur d’elle-même n’avait conscience de son identité sexuelle et de son statut d’adulte… en cela un parfait accord intérieur-extérieur. Elle se lève et me serre la main avec un sourire délicat. Elle se déplace avec le bas du corps assez rigide qui contraste avec un mouvement délié des membres supérieurs. Elle s’assied étonnamment détendue.
Au niveau verbal
Les mots sont déliés comme le haut du corps mais la première séance reste orientée dans du factuel, on sent qu’Irène a l’habitude de s’exprimer tant que
l’on n’est pas dans le registre émotionnel. Il faudra plusieurs séances avant de pouvoir dire l’essentiel et on sent une grande réserve, une pudeur délicate. Le ton et le rythme de la voix vont changer dès que le climat de confiance sera acquis et que l’on abordera le « monstre dans le placard ». Dès ce moment, les phrases seront souvent entrecoupées de silence, de soupirs et de sanglots.
Au niveau du système de croyance
• Un couple qui s’entend bien ne rentre jamais dans le conflit, la douceur est de rigueur et aucune manoeuvre physique avec une attitude trop mâle n’est acceptée (ça fait trop mal… me dira-t-elle). Entre c’est mal, ça fait mal et c’est trop mâle, il n y a pas beaucoup de place pour le bien…
• Il est dangereux d’être jolie, je suis intelligente, ma sœur est jolie. Je suis peut-être responsable de ce qui est arrivé à ma sœur.
• L’accès à l’imaginaire est dangereux, on ne peut pas faire forcément confiance à ses souvenirs.
***
PISTES CLINIQUES À EXPLORER
1) Le manque de connaissance anatomo-physiologique du périnée. Malgré la somme de savoir de cette femme brillante, il semblerait qu’elle ait occulté les cours d’information sexuelle de l’école… Etait-elle absente ce jour-là ?
2) Le doute sur la confiance que l’on peut s’accorder par rapport à sa mémoire. Irène a tellement peur d’accuser à tort…
3) Elle dit que même si elle ne sait pas exactement ce qui s’est passé, elle ne se pardonnera jamais de ne pas avoir ouvert cette porte. La culpabilité de sa nonintervention est énorme.
4) Le danger d’être femme et désirable et le poids du passé l’empêchent dedevenir une femme adulte dans son corps et son intimité.
5) L’impossibilité d’être belle et en sécurité.
6) La peur des caractéristiques masculines et de la confrontation et l’ignorance de la saine agressivité.
***
APPLICATION HYPNOTIQUE : DÉROULEMENT DE LA THÉRAPIE
• Première séance : consacrée à l’anamnèse et aux explications anatomophysiologiques. A cela je rajoute une prise de conscience de la respiration diaphragmatique car Irène est en inspir bloqué quasi naturellement. De par ses origines et certainement aussi dans son symptôme d’évitement, la position du bassin est très antéversée. Des exercices de mobilisation du bassin, sur le ballon entre autre, seront effectués. Un assouplissement des adducteurs est aussi entrepris car l’abduction est assez limitée en rapport avec son âge. Tous ces exercices seront préconisés à la maison. Je lui fais part de mon désir de rencontrer Denis.
• Deuxième séance : en présence de son conjoint.
Ce dernier est fidèle à la description, gentil (presque trop), désireux d’aider sa femme et très en attente d’enfant. Je profiterai de sa présence pour leur prescrire un éveil sensoriel conjoint et pour le moment un arrêt des essais de pénétration. Je leur explique ensuite la mise en route du traitement du vaginisme d’Irène et propose un suivi entre 5 et 10 séances. Celle-ci effectuera un travail sur son périnée d’abord seule, puis avec son conjoint avant de mettre en oeuvre la pénétration quand elle sera prête et c’est elle qui dirigera les « opérations ». Denis nous quitte au milieu de cette deuxième séance et je propose de montrer à Irène le travail qu’elle doit faire chez elle.
Sa vie sexuelle débute à 18 ans avec un homme qu’elle dit brutal et sans coeur. La vie sexuelle avec ce dernier était quasi inexistante. Cette relation durera deux ans et elle restera seule deux autres années, jusqu’à la rencontre avec Denis. Toutes ces informations me seront rapportées lors de notre premier rendez-vous. A l’occasion de notre deuxième rendez-vous, nous évoquons la découverte de la sexualité. Les premiers émois sexuels sont apparus, selon elle, dans l’adolescence précoce (elle n’a pas en mémoire l’âge). L’autoérotisme était présent, toutefois jamais de tentative de pénétration et toujours avec beaucoup de culpabilité. L’imaginaire érotique semble construit sur un mode tendresse. Ce n’est qu’à la troisième séance qu’Irène me parlera d’un événement qui l’a traumatisée.
Elle est derrière une porte fermée, elle a 12 ans. Sa petite sœur de 10 ans est de l’autre côté avec son père. Irène entend des rires des deux acteurs de la scène, puis des « non ! » répétés de sa sœur et quelques sanglots étouffés. Irène reste paralysée derrière la porte et se dit incapable d’aider sa sœur.
Jamais cela n’a été évoqué dans la famille, le dialogue a toujours été inexistant. Irène dit qu’elle ne sait plus la part de la vérité ou de l’imaginaire dans le récit
qu’elle fait de cet événement. Par contre, Irène n’a jamais vécu d’approche incestueuse de la part de son père. Elle est persuadée que c’est dû à son physique que sa mère qualifiait de « nettement moins avantageux que sa soeur ».
Cette troisième séance complète donc l’anamnèse de façon primordiale.
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DEMANDE DE LA PATIENTE ET SYMPTÔME SEXUEL ET AFFECTIF
La demande de la patiente est de pouvoir avoir des rapports avec pénétration afin de débuter une grossesse. Le symptôme sexuel est une dysfonction coïtale, plus précisément un vaginisme primaire permanent, non sélectif, sans troubles associés du désir et du plaisir. Il existe chez Irène une peur de son intimité, de son identité sexuelle, peut-être liée à son histoire familiale. Comme souvent cette pathologie concerne une personne à tendance phobique, anxieuse et évitante en ce qui concerne cette région de son corps. Elle est cependant d’accord de se confronter à sa problématique.
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BASES ET REPÉRAGE
Observation physico-comportementale
Dans la salle d’attente, Irène est assise sagement, blottie dans sa beauté d’ébène dont elle n’a pas encore conscience. On dirait une longue enfant (elle est très grande et mince) pas encore incarnée dans la peau de femme. Elle porte un tailleur sobre qui contraste avec son allure infantile mais sûrement dû à sa fonction professionnelle et ses cheveux sont relevés de façon un peu austère. Elle ne démontre que peu de signes extérieurs de féminité, comme si ni l’extérieur ni l’intérieur d’elle-même n’avait conscience de son identité sexuelle et de son statut d’adulte… en cela un parfait accord intérieur-extérieur. Elle se lève et me serre la main avec un sourire délicat. Elle se déplace avec le bas du corps assez rigide qui contraste avec un mouvement délié des membres supérieurs. Elle s’assied étonnamment détendue.
Au niveau verbal
Les mots sont déliés comme le haut du corps mais la première séance reste orientée dans du factuel, on sent qu’Irène a l’habitude de s’exprimer tant que
l’on n’est pas dans le registre émotionnel. Il faudra plusieurs séances avant de pouvoir dire l’essentiel et on sent une grande réserve, une pudeur délicate. Le ton et le rythme de la voix vont changer dès que le climat de confiance sera acquis et que l’on abordera le « monstre dans le placard ». Dès ce moment, les phrases seront souvent entrecoupées de silence, de soupirs et de sanglots.
Au niveau du système de croyance
• Un couple qui s’entend bien ne rentre jamais dans le conflit, la douceur est de rigueur et aucune manoeuvre physique avec une attitude trop mâle n’est acceptée (ça fait trop mal… me dira-t-elle). Entre c’est mal, ça fait mal et c’est trop mâle, il n y a pas beaucoup de place pour le bien…
• Il est dangereux d’être jolie, je suis intelligente, ma sœur est jolie. Je suis peut-être responsable de ce qui est arrivé à ma sœur.
• L’accès à l’imaginaire est dangereux, on ne peut pas faire forcément confiance à ses souvenirs.
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PISTES CLINIQUES À EXPLORER
1) Le manque de connaissance anatomo-physiologique du périnée. Malgré la somme de savoir de cette femme brillante, il semblerait qu’elle ait occulté les cours d’information sexuelle de l’école… Etait-elle absente ce jour-là ?
2) Le doute sur la confiance que l’on peut s’accorder par rapport à sa mémoire. Irène a tellement peur d’accuser à tort…
3) Elle dit que même si elle ne sait pas exactement ce qui s’est passé, elle ne se pardonnera jamais de ne pas avoir ouvert cette porte. La culpabilité de sa nonintervention est énorme.
4) Le danger d’être femme et désirable et le poids du passé l’empêchent dedevenir une femme adulte dans son corps et son intimité.
5) L’impossibilité d’être belle et en sécurité.
6) La peur des caractéristiques masculines et de la confrontation et l’ignorance de la saine agressivité.
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APPLICATION HYPNOTIQUE : DÉROULEMENT DE LA THÉRAPIE
• Première séance : consacrée à l’anamnèse et aux explications anatomophysiologiques. A cela je rajoute une prise de conscience de la respiration diaphragmatique car Irène est en inspir bloqué quasi naturellement. De par ses origines et certainement aussi dans son symptôme d’évitement, la position du bassin est très antéversée. Des exercices de mobilisation du bassin, sur le ballon entre autre, seront effectués. Un assouplissement des adducteurs est aussi entrepris car l’abduction est assez limitée en rapport avec son âge. Tous ces exercices seront préconisés à la maison. Je lui fais part de mon désir de rencontrer Denis.
• Deuxième séance : en présence de son conjoint.
Ce dernier est fidèle à la description, gentil (presque trop), désireux d’aider sa femme et très en attente d’enfant. Je profiterai de sa présence pour leur prescrire un éveil sensoriel conjoint et pour le moment un arrêt des essais de pénétration. Je leur explique ensuite la mise en route du traitement du vaginisme d’Irène et propose un suivi entre 5 et 10 séances. Celle-ci effectuera un travail sur son périnée d’abord seule, puis avec son conjoint avant de mettre en oeuvre la pénétration quand elle sera prête et c’est elle qui dirigera les « opérations ». Denis nous quitte au milieu de cette deuxième séance et je propose de montrer à Irène le travail qu’elle doit faire chez elle.