Introduction
Le « fétichisme », ce terme que nous connaissons tous, déroule sous lui une foule de représentations et de stéréotypes. Ceux-ci sont souvent sexualisés ou comportent une connotation négative. Dans l’imago populaire, le fétichiste est un « déviant », c’est celui qui éprouve un désir sexuel devant des pieds ou des bottes ou au contact de certaines tenues ou matières. Le fétichisme, remarquons-le, est tabou car stigmatisé socialement…
Avoir ce type de comportement pousse souvent l’individu fétichiste à se camoufler, se dissimuler, à cacher une part de lui-même. Mais savons-nous seulement dire pourquoi nous appréhendons et catégorisons ce comportement sexuel de cette manière ? A l’origine, nous pouvons voir qu’à chaque époque l’être humain s’est attaché aux objets qui l’entouraient, qu’ils soient créés de ses propres mains ou émanant de la nature environnante. Ces objets, à travers leur utilité quotidienne ou leur beauté, ont fasciné l’Homme, le poussant à en créer de nouveaux, à en faire toujours plus, en les détournant parfois de leur utilité d’origine. En effet, certaines de ces créations, brutes ou manufacturées, se sont retrouvées transformées par certaines pratiques culturelles. Entre 1756 et 1760, Charles de Brosses, dans une visée plutôt ethnologique, créera le terme de « fétichisme » pour qualifier ces pratiques culturelles. L’objet auquel le pouvoir est conféré est alors qualifié de « fétiche ». Cette considération vient du constat qu’à l’époque, chez certains peuples, est retrouvé un attachement tout particulier à certains objets. Ils sont alors considérés comme des représentants des dieux, possédant des pouvoirs surnaturels et supérieurs, pouvant apporter la prospérité ou la misère au sein du foyer. Le substantif « fétichiste » apparaît lui bien plus tard, au XIXe siècle. De nombreux auteurs utilisent alors ce terme en restant proches des considérations ethnologiques, religieuses et culturelles qui lui étaient alors attribuées. C’est à la fin du XIXe siècle que ce concept opère un véritable tournant du fait d’un seul homme : Alfred Binet, le fondateur de la psychologie expérimentale. C’est lui qui donnera au fétichisme la connotation sexuelle sur laquelle se fondera Freud quelques années plus tard et qui perdurera dans le temps pour le dénoter tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Le fétichisme selon Freud
Freud est certainement le psychanalyste s’étant le plus penché sur la question du fétichisme. Dans sa large réflexion, il le posera comme étant une particularité tout à fait intéressante parmi les perversions, et dès 1905 dans les Trois essais il annoncera qu’« aucune variation sexuelle à la limite de la pathologie ne présente autant d’intérêt que celle-ci ». L’auteur se posera aussi très tôt une question qui reste pour le moment non élucidée pour de nombreuses pathologies mentales : à partir de quel degré le fétichisme devient-il anormal ? En effet, selon lui, « un certain degré de fétichisme se retrouve régulièrement dans l’amour normal ». Cette phrase reviendrait donc à dire que nous serions tous, à des degrés différents, des fétichistes. A partir de quel stade pouvons-nous alors catégoriser quelqu’un comme étant anormalement fétichiste ? C’est au fil d’un long cheminement que Freud tentera de répondre, au décours de différents essais, à cette énigme. Ce ne sera que lors de son essai uniquement consacré au fétichisme de 1927 que Freud dira s’être rapproché au plus près des réponses à ses questionnements.