Quand l’érection se dérobe, encore et encore, c’est toute la fierté masculine qui s’éteint. La fierté, c’est cette émotion qui se développe à partir de notre sentiment de valeur personnelle. La fierté est la compagne de l’estime de soi.
HISTOIRE CLINIQUE
Lucas a 26 ans et s’il a effectivement débuté sa vie sexuelle vers 18 ans, il n’a jamais réussi à réaliser de pénétration : son érection disparaît dès lors qu’arrive le moment fatidique. C’est son urologue qui me l’adresse, après lui avoir fait essayer sans succès la petite pilule bleue. Lucas est totalement découragé. Il est vrai que son histoire sexuelle a mal commencé : atteint d’un phimosis depuis l’enfance, il n’ose pas s’en ouvrir à ses parents et ce n’est qu’après ses premiers essais de pénétration avec Julie, son premier amour, qu’il ose en parler à un médecin. Une opération le libère de cet obstacle à 19 ans. Mais ses tentatives de pénétration restent pourtant infructueuses. Sa relation amoureuse se poursuit malgré tout avec bonheur, ponctuée de tentatives
de pénétration régulières qui ne font que renforcer son sentiment d’incompétence : le cercle infernal de l’anxiété de performance s’est installé.
Parallèlement à cela, Lucas s’essaie à plusieurs orientations professionnelles : il suit deux années de formation à l’école d’infirmiers, puis renonce : la pression en service hospitalier lui semble trop difficile, il ne se sent pas à la hauteur. Il passe ensuite un brevet de moniteur sportif : Lucas est de stature athlétique,
même si sa démarche discrète et le volume sonore de sa voix n’y rendent pas honneur. Ne trouvant pas de travail, il se résout à accepter un poste d’aide-soignant dans une maison de retraite dans laquelle il se sent bien. Et puis Julie a fait une dépression. Sa personnalité perfectionniste lui a joué ce mauvais tour. Lucas confie alors que Julie se montrait aussi de plus en plus insatisfaite de leur vie sexuelle et avait un discours disqualifiant à son égard.
Ils décident de se séparer il y a un an et c’est finalement cette séparation qui pousse Lucas à consulter l’urologue qui l’envoie à moi. Ses essais de médicaments facilitateurs de l’érection se sont donc faits dans des conditions vraiment peu optimales : au sortir d’une séparation, à l’occasion de rencontres d’un soir, ce qui a malheureusement contribué à nourrir une image de lui très négative. Aujourd’hui, s’il est toujours entouré d’un bon cercle amical, il a renoncé à toute manoeuvre de séduction et fuit les rencontres féminines. A quoi bon, dit-il…
BASES THÉORICO-PRATIQUES
Selon André (2005), l’estime de soi est au carrefour des trois composantes essentielles du Soi : comportementale, cognitive et émotionnelle. Elle influence par
conséquent notre capacité à agir, dépend du regard que nous portons sur nous et conditionne notre humeur. Elle est par ailleurs liée aux expériences subjectives d’approbation ou de rejet par les autres. La sexualité est une activité relationnelle fortement sujette à la construction de l’estime de soi. Notre épanouissement dans ce domaine participe à la valeur intrinsèque que nous pouvons nous attribuer.
Il n’est donc pas usurpé de penser que les échecs sexuels répétés de Lucas aient pu avoir un impact sur tout le déroulé de sa (jeune) vie : insertion professionnelle par défaut et à distance de toute tentation, comportement verbal et non verbal, tout en Lucas évoquait le manque d’allant. Le modèle des dysfonctions sexuelles établi par Barlow (1986) met parfaitement en évidence le rôle de l’anxiété dans les dysfonctionnements érectiles. Les cognitions auto-dévaluatrices et l’anticipation anxieuse développent un fonctionnement cognitif particulier dans une focalisation de l’attention dirigée en priorité vers tous
les indices évocateurs de danger :
• signaux externes : comportement, expression ou discours de la partenaire, luminosité…
• signaux internes : ruminations anxieuses et écoute intérieure du niveau d’érection, mais dans une sous-évaluation constante.
Enrichissant ce modèle, Wiegel, Scepkowski et Barlow (2007) précisent que les hommes en difficulté sexuelle développent une mentalité sexuelle particulière
définie par des attentes de manque de contrôle de la situation, là où les individus fonctionnels démontrent une mentalité empreinte de certitudes en « illusion de contrôle ». Ces attentes négatives, composante cognitive de l’anxiété de performance, augmentent le tonus sympathique inhibiteur de l’érection. On peut également affirmer sans trop se tromper que l’attitude de sa jeune compagne, toute excusable qu’elle soit, fait partie des facteurs de maintien de la difficulté érectile de Lucas.
Dans une enquête d’opinion, Colson (2006) démontre que le début de la vie sexuelle (tranche d’âge des 20-24 ans) apparaît comme une période favorisant les pannes d’érection (24 % des jeunes femmes interrogées ont vécu une DE chez leur partenaire). Les jeunes femmes de cette catégorie semblent même en souffrir davantage que leurs aînées. Si la majorité se veut apaisante, certaines d’entre elles se disent agacées et frustrées (31 %). La femme représente un élément déterminant dans l’évolution de ce trouble. Les reproches, refus sexuel ou discours disqualifiants entretiennent la difficulté. On connaît la nécessité masculine d’asseoir un bon narcissisme phallique pour développer une compétence érectile coïtale.
L’adolescence de Lucas, marquée par le sentiment d’être le propriétaire d’un organe différent, a fait le lit de sa dysfonction, le construisant dans une certaine réserve sexuée. Et pourtant, la notion d’« agressivité phallique » est au centre de la fonctionnalité sexuelle masculine. Crépault (2004) la définit comme le facteur essentiel du développement de l’identité sexuelle du garçon : « Elle renvoie à l’ensemble des fantasmes et des conduites manifestes visant à démontrer la puissance phallique et à imposer une domination intersexuelle ou intrasexuelle. » Sa construction installe une image de soi comme homme désirant et pénétrant. Son déficit est au centre de la dysfonction érectile coïtale et développe une anxiété de masculinitude.
CHOIX DES PISTES CLINIQUES
L’objectif thérapeutique pour cette prise en charge était de transformer l’image corporelle génitale de Lucas, de manière à modifier son anticipation anxieuse responsable à la fois de la perte d’érection et des évitements expérientiels de rencontre. Il était donc question d’émotionnel, d’imaginaire, de sécurité relationnelle et de projection optimiste dans le futur : le recours à l’outil hypnotique s’imposait. Il permettrait à Lucas de cesser tout jugement critique et de recréer l’espérance qui accompagnerait la remise en mouvement.
HISTOIRE CLINIQUE
Lucas a 26 ans et s’il a effectivement débuté sa vie sexuelle vers 18 ans, il n’a jamais réussi à réaliser de pénétration : son érection disparaît dès lors qu’arrive le moment fatidique. C’est son urologue qui me l’adresse, après lui avoir fait essayer sans succès la petite pilule bleue. Lucas est totalement découragé. Il est vrai que son histoire sexuelle a mal commencé : atteint d’un phimosis depuis l’enfance, il n’ose pas s’en ouvrir à ses parents et ce n’est qu’après ses premiers essais de pénétration avec Julie, son premier amour, qu’il ose en parler à un médecin. Une opération le libère de cet obstacle à 19 ans. Mais ses tentatives de pénétration restent pourtant infructueuses. Sa relation amoureuse se poursuit malgré tout avec bonheur, ponctuée de tentatives
de pénétration régulières qui ne font que renforcer son sentiment d’incompétence : le cercle infernal de l’anxiété de performance s’est installé.
Parallèlement à cela, Lucas s’essaie à plusieurs orientations professionnelles : il suit deux années de formation à l’école d’infirmiers, puis renonce : la pression en service hospitalier lui semble trop difficile, il ne se sent pas à la hauteur. Il passe ensuite un brevet de moniteur sportif : Lucas est de stature athlétique,
même si sa démarche discrète et le volume sonore de sa voix n’y rendent pas honneur. Ne trouvant pas de travail, il se résout à accepter un poste d’aide-soignant dans une maison de retraite dans laquelle il se sent bien. Et puis Julie a fait une dépression. Sa personnalité perfectionniste lui a joué ce mauvais tour. Lucas confie alors que Julie se montrait aussi de plus en plus insatisfaite de leur vie sexuelle et avait un discours disqualifiant à son égard.
Ils décident de se séparer il y a un an et c’est finalement cette séparation qui pousse Lucas à consulter l’urologue qui l’envoie à moi. Ses essais de médicaments facilitateurs de l’érection se sont donc faits dans des conditions vraiment peu optimales : au sortir d’une séparation, à l’occasion de rencontres d’un soir, ce qui a malheureusement contribué à nourrir une image de lui très négative. Aujourd’hui, s’il est toujours entouré d’un bon cercle amical, il a renoncé à toute manoeuvre de séduction et fuit les rencontres féminines. A quoi bon, dit-il…
BASES THÉORICO-PRATIQUES
Selon André (2005), l’estime de soi est au carrefour des trois composantes essentielles du Soi : comportementale, cognitive et émotionnelle. Elle influence par
conséquent notre capacité à agir, dépend du regard que nous portons sur nous et conditionne notre humeur. Elle est par ailleurs liée aux expériences subjectives d’approbation ou de rejet par les autres. La sexualité est une activité relationnelle fortement sujette à la construction de l’estime de soi. Notre épanouissement dans ce domaine participe à la valeur intrinsèque que nous pouvons nous attribuer.
Il n’est donc pas usurpé de penser que les échecs sexuels répétés de Lucas aient pu avoir un impact sur tout le déroulé de sa (jeune) vie : insertion professionnelle par défaut et à distance de toute tentation, comportement verbal et non verbal, tout en Lucas évoquait le manque d’allant. Le modèle des dysfonctions sexuelles établi par Barlow (1986) met parfaitement en évidence le rôle de l’anxiété dans les dysfonctionnements érectiles. Les cognitions auto-dévaluatrices et l’anticipation anxieuse développent un fonctionnement cognitif particulier dans une focalisation de l’attention dirigée en priorité vers tous
les indices évocateurs de danger :
• signaux externes : comportement, expression ou discours de la partenaire, luminosité…
• signaux internes : ruminations anxieuses et écoute intérieure du niveau d’érection, mais dans une sous-évaluation constante.
Enrichissant ce modèle, Wiegel, Scepkowski et Barlow (2007) précisent que les hommes en difficulté sexuelle développent une mentalité sexuelle particulière
définie par des attentes de manque de contrôle de la situation, là où les individus fonctionnels démontrent une mentalité empreinte de certitudes en « illusion de contrôle ». Ces attentes négatives, composante cognitive de l’anxiété de performance, augmentent le tonus sympathique inhibiteur de l’érection. On peut également affirmer sans trop se tromper que l’attitude de sa jeune compagne, toute excusable qu’elle soit, fait partie des facteurs de maintien de la difficulté érectile de Lucas.
Dans une enquête d’opinion, Colson (2006) démontre que le début de la vie sexuelle (tranche d’âge des 20-24 ans) apparaît comme une période favorisant les pannes d’érection (24 % des jeunes femmes interrogées ont vécu une DE chez leur partenaire). Les jeunes femmes de cette catégorie semblent même en souffrir davantage que leurs aînées. Si la majorité se veut apaisante, certaines d’entre elles se disent agacées et frustrées (31 %). La femme représente un élément déterminant dans l’évolution de ce trouble. Les reproches, refus sexuel ou discours disqualifiants entretiennent la difficulté. On connaît la nécessité masculine d’asseoir un bon narcissisme phallique pour développer une compétence érectile coïtale.
L’adolescence de Lucas, marquée par le sentiment d’être le propriétaire d’un organe différent, a fait le lit de sa dysfonction, le construisant dans une certaine réserve sexuée. Et pourtant, la notion d’« agressivité phallique » est au centre de la fonctionnalité sexuelle masculine. Crépault (2004) la définit comme le facteur essentiel du développement de l’identité sexuelle du garçon : « Elle renvoie à l’ensemble des fantasmes et des conduites manifestes visant à démontrer la puissance phallique et à imposer une domination intersexuelle ou intrasexuelle. » Sa construction installe une image de soi comme homme désirant et pénétrant. Son déficit est au centre de la dysfonction érectile coïtale et développe une anxiété de masculinitude.
CHOIX DES PISTES CLINIQUES
L’objectif thérapeutique pour cette prise en charge était de transformer l’image corporelle génitale de Lucas, de manière à modifier son anticipation anxieuse responsable à la fois de la perte d’érection et des évitements expérientiels de rencontre. Il était donc question d’émotionnel, d’imaginaire, de sécurité relationnelle et de projection optimiste dans le futur : le recours à l’outil hypnotique s’imposait. Il permettrait à Lucas de cesser tout jugement critique et de recréer l’espérance qui accompagnerait la remise en mouvement.