HISTOIRE CLINIQUE
Son anorexie a commencé une première fois à l’âge de 17 ans, alors qu’elle était au lycée. Les choses s’étaient améliorées, mais les privations alimentaires et la maigreur consécutive ont repris il y a environ un an, bien plus fortement que lors du premier épisode. Les parents de Magali sont séparés. Elle vit, malgré son âge adulte, chez son père, sans qu’elle précise les raisons d’une situation si inhabituelle. Le père est retraité des travaux publics. Elle ne dit rien de particulier sur lui. Concernant son passé, Magali revient sur sa première période anorexique, fortement marquée par d’intenses angoisses – elle évoque des « crises de panique ». Ces angoisses (et l’anorexie) avaient été traitées par médicaments (antidépresseurs, paroxétine notamment). Elle dit encore garder des souvenirs angoissants de cette période.
Elle a par ailleurs un problème d’ovaires polykystiques, pour lequel elle est contrôlée régulièrement par son gynécologue, ainsi qu’une « infection gastrique virale » – nous n’en saurons pas davantage – pour laquelle elle doit aussi subir prochainement un examen afin de vérifier qu’elle a disparu. Magali va deux jours par semaine dans un centre ambulatoire (qui dépend de l’hôpital) spécialisé dans le traitement des addictions, participant à des activités groupales à visées thérapeutiques qui sont animées par des psychologues et des infirmières formées. Ces soins hospitaliers ont porté du fruit : Magali dit qu’elle« remange», ce que je crois volontiers en voyant une silhouette maigre, certes, mais plus élancée que médicalement inquiétante.
***
LA DEMANDE DE MAGALI
La demande de Magali est quadruple :
• Avoir davantage confiance en elle ;
• Être plus « apaisée » ;
• « Faire confiance à la vie » ;
• « Être moins paralysée par les événements ».
Magali ne précise pas, lors de cette consultation initiale ni lors des suivantes, à quels « événements » elle fait allusion, et nous restons dans un premier temps dans un flou qui va peu à peu se dissiper : Magali souffre de vaginisme.
***
BASES THÉORICO-PRATIQUES
Face aux problématiques anorexiques, nous nous servons fréquemment de ce que Jacques-Antoine Malarewicz nous a appris, dans une perspective hypnothérapique et de thérapie familiale, cette dernière elle-même inspirée de la thérapie expérientielle de Carl Whitaker. Selon l’âge, le contexte familial et les souhaits du patient, nous pratiquons une approche individuelle ou familiale. Dans le cas de Magali, comme elle est adulte, nous lui proposons par simplicité
de travailler individuellement afin de favoriser sa croissance, alors qu’avec les patients adolescentes nous travaillons avec les familles afin de faire profiter les
parents et la fratrie des progrès thérapeutiques. Nous préférons ne pas travailler par hypothèse, ce qui, lorsque c’est possible, permet une plus grande brièveté d’intervention. Nous pratiquons plutôt l’adage « agir pour comprendre », et surtout pour soigner ! Habituellement nous présentons ainsi notre rôle de thérapeute : « Mon travail est de proposer des façons de faire à mes patients.
Mes patients ont plusieurs rôles… Leur rôle le plus important est de me faire savoir quand ce que je propose ne leur convient pas. » C’est un moment clé lors duquel le patient s’engage et se responsabilise. Il introduit aussi la tension souvent nécessaire à la mise en route de la thérapie en prescrivant un degré de résistance suffisant. Dans le cas de Magali, nous lui proposons la technique de l’auto-parentage, technique hypnotique classique qui va avoir une action thérapeutique si Magali parvient à la mettre en oeuvre, ou qui nous renseignera si elle a des besoins d’aide plus massifs au cas où elle se montrerait trop démunie lors de cette première tâche.
***
CHOIX DES PISTES CLINIQUES, APPLICATIONS HYPNOTIQUES
Lors de la séance d’autoparentage, Magali parvient assez vite à comprendre et apprendre le principe de la technique. Elle va pratiquer chez elle ensuite, sans
que jamais nous ne mentionnions le mot « hypnose », Magali nous ayant laissé entendre que ce mot l’inquiétait beaucoup. La séance suivante, elle semble plus détendue et formule le souhait de travailler sur l’obtention de plus de sérénité « dans sa tête », et aussi afin de se prémunir davantage contre les «schémas anorexiques ». Par cette dernière expression, elle désigne la jouissance qu’elle obtient en hypercontrôlant son corps par la privation alimentaire. Elle veut aussi – et nous vivons positivement cette avalanche de demandes qui paraît résulter du travail fait précédemment – travailler sur son image d’elle-même (« ne plus se voir comme bizarre ») et mieux se comprendre.
Pendant deux séances, nous travaillons d’abord la honte que Magali dit ressentir de manière majeure et surtout globale (honte d’elle, de son corps, etc.), en pratiquant une hypnose conversationnelle non ratifiée, sur le thème : « La honte est un sentiment qui pousse à se cacher de la société lorsque nous avons commis une faute moralement grave comme attaquer une vieille dame ou abuser un enfant. Autant elle s’apprend, autant, lorsqu’elle n’est pas justifiée, elle peut se désapprendre en osant en parler. » Magali nous parle lors de la séance suivante de son sentiment de bizarreté et de sa « peur d’être folle ». Nous lui expliquons que toutes les personnes ne fonctionnent pas pareil au niveau de leur sensibilité et de leur fonctionnement intellectuel, que nous considérons qu’elle est particulièrement sensible et intelligente, qu’elle a pu à certains moments de sa vie se percevoir différente d’autres personnes et que, n’ayant pu savoir en quoi elle se sentait différente, elle a construit l’idée qu’elle était « bizarre » et « peut-être folle ». Le « peut-être » est un moyen pour nous d’introduire du doute très doucement car Magali paraît fragile sur le plan identitaire et nous savons par expérience combien il peut être vain de dire à ces patientes, ainsi que nous avons pu en faire l’expérience : « Je vous garantis que vous n’avez aucune maladie mentale. » Acceptant assez bien ces recadrages, nous n’allons pas plus loin lors de cette séance.
Compte tenu de la bonne progression du travail clinique, Magali se présentant à la séance suivante plus enjouée et plus à l’aise, notamment corporellement, nous décidons, afin d’activer encore davantage et plus rapidement les ressources de cette patiente, de lui proposer, enfin, de l’« hypnose ».
Son anorexie a commencé une première fois à l’âge de 17 ans, alors qu’elle était au lycée. Les choses s’étaient améliorées, mais les privations alimentaires et la maigreur consécutive ont repris il y a environ un an, bien plus fortement que lors du premier épisode. Les parents de Magali sont séparés. Elle vit, malgré son âge adulte, chez son père, sans qu’elle précise les raisons d’une situation si inhabituelle. Le père est retraité des travaux publics. Elle ne dit rien de particulier sur lui. Concernant son passé, Magali revient sur sa première période anorexique, fortement marquée par d’intenses angoisses – elle évoque des « crises de panique ». Ces angoisses (et l’anorexie) avaient été traitées par médicaments (antidépresseurs, paroxétine notamment). Elle dit encore garder des souvenirs angoissants de cette période.
Elle a par ailleurs un problème d’ovaires polykystiques, pour lequel elle est contrôlée régulièrement par son gynécologue, ainsi qu’une « infection gastrique virale » – nous n’en saurons pas davantage – pour laquelle elle doit aussi subir prochainement un examen afin de vérifier qu’elle a disparu. Magali va deux jours par semaine dans un centre ambulatoire (qui dépend de l’hôpital) spécialisé dans le traitement des addictions, participant à des activités groupales à visées thérapeutiques qui sont animées par des psychologues et des infirmières formées. Ces soins hospitaliers ont porté du fruit : Magali dit qu’elle« remange», ce que je crois volontiers en voyant une silhouette maigre, certes, mais plus élancée que médicalement inquiétante.
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LA DEMANDE DE MAGALI
La demande de Magali est quadruple :
• Avoir davantage confiance en elle ;
• Être plus « apaisée » ;
• « Faire confiance à la vie » ;
• « Être moins paralysée par les événements ».
Magali ne précise pas, lors de cette consultation initiale ni lors des suivantes, à quels « événements » elle fait allusion, et nous restons dans un premier temps dans un flou qui va peu à peu se dissiper : Magali souffre de vaginisme.
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BASES THÉORICO-PRATIQUES
Face aux problématiques anorexiques, nous nous servons fréquemment de ce que Jacques-Antoine Malarewicz nous a appris, dans une perspective hypnothérapique et de thérapie familiale, cette dernière elle-même inspirée de la thérapie expérientielle de Carl Whitaker. Selon l’âge, le contexte familial et les souhaits du patient, nous pratiquons une approche individuelle ou familiale. Dans le cas de Magali, comme elle est adulte, nous lui proposons par simplicité
de travailler individuellement afin de favoriser sa croissance, alors qu’avec les patients adolescentes nous travaillons avec les familles afin de faire profiter les
parents et la fratrie des progrès thérapeutiques. Nous préférons ne pas travailler par hypothèse, ce qui, lorsque c’est possible, permet une plus grande brièveté d’intervention. Nous pratiquons plutôt l’adage « agir pour comprendre », et surtout pour soigner ! Habituellement nous présentons ainsi notre rôle de thérapeute : « Mon travail est de proposer des façons de faire à mes patients.
Mes patients ont plusieurs rôles… Leur rôle le plus important est de me faire savoir quand ce que je propose ne leur convient pas. » C’est un moment clé lors duquel le patient s’engage et se responsabilise. Il introduit aussi la tension souvent nécessaire à la mise en route de la thérapie en prescrivant un degré de résistance suffisant. Dans le cas de Magali, nous lui proposons la technique de l’auto-parentage, technique hypnotique classique qui va avoir une action thérapeutique si Magali parvient à la mettre en oeuvre, ou qui nous renseignera si elle a des besoins d’aide plus massifs au cas où elle se montrerait trop démunie lors de cette première tâche.
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CHOIX DES PISTES CLINIQUES, APPLICATIONS HYPNOTIQUES
Lors de la séance d’autoparentage, Magali parvient assez vite à comprendre et apprendre le principe de la technique. Elle va pratiquer chez elle ensuite, sans
que jamais nous ne mentionnions le mot « hypnose », Magali nous ayant laissé entendre que ce mot l’inquiétait beaucoup. La séance suivante, elle semble plus détendue et formule le souhait de travailler sur l’obtention de plus de sérénité « dans sa tête », et aussi afin de se prémunir davantage contre les «schémas anorexiques ». Par cette dernière expression, elle désigne la jouissance qu’elle obtient en hypercontrôlant son corps par la privation alimentaire. Elle veut aussi – et nous vivons positivement cette avalanche de demandes qui paraît résulter du travail fait précédemment – travailler sur son image d’elle-même (« ne plus se voir comme bizarre ») et mieux se comprendre.
Pendant deux séances, nous travaillons d’abord la honte que Magali dit ressentir de manière majeure et surtout globale (honte d’elle, de son corps, etc.), en pratiquant une hypnose conversationnelle non ratifiée, sur le thème : « La honte est un sentiment qui pousse à se cacher de la société lorsque nous avons commis une faute moralement grave comme attaquer une vieille dame ou abuser un enfant. Autant elle s’apprend, autant, lorsqu’elle n’est pas justifiée, elle peut se désapprendre en osant en parler. » Magali nous parle lors de la séance suivante de son sentiment de bizarreté et de sa « peur d’être folle ». Nous lui expliquons que toutes les personnes ne fonctionnent pas pareil au niveau de leur sensibilité et de leur fonctionnement intellectuel, que nous considérons qu’elle est particulièrement sensible et intelligente, qu’elle a pu à certains moments de sa vie se percevoir différente d’autres personnes et que, n’ayant pu savoir en quoi elle se sentait différente, elle a construit l’idée qu’elle était « bizarre » et « peut-être folle ». Le « peut-être » est un moyen pour nous d’introduire du doute très doucement car Magali paraît fragile sur le plan identitaire et nous savons par expérience combien il peut être vain de dire à ces patientes, ainsi que nous avons pu en faire l’expérience : « Je vous garantis que vous n’avez aucune maladie mentale. » Acceptant assez bien ces recadrages, nous n’allons pas plus loin lors de cette séance.
Compte tenu de la bonne progression du travail clinique, Magali se présentant à la séance suivante plus enjouée et plus à l’aise, notamment corporellement, nous décidons, afin d’activer encore davantage et plus rapidement les ressources de cette patiente, de lui proposer, enfin, de l’« hypnose ».