La sexualité dans le postpartum
Le postpartum, période succédant à l’accouchement, est le siège de grands bouleversements, tant sur les plans sociaux et psychologiques, qu’anatomiques et hormonaux. Après la grossesse, le corps de la femme se transforme à nouveau : l’utérus se rétracte, les lochies (saignements) apparaissent, le volume mammaire augmente en cas d’allaitement. Souvent l’accouchement a aussi laissé des séquelles, telles qu’une déchirure périnéale, une épisiotomie, et des douleurs multiples. De plus, la grossesse a souvent laissé des traces, telles que des varices, des vergetures, une distension abdominale, etc. En parallèle, la chute hormonale peut entraîner une labilité de l’humeur (avec le baby blues notamment), ainsi qu’une sécheresse vaginale. Enfin, la femme ainsi que l’homme doivent s’adapter à ce nouveau tiers qu’est l’enfant. Le couple amoureux devient un couple parental, et tout le défi pour eux consiste à devenir parents tout en restant amants. Toutes ces modifications vont influer sur la sexualité du couple.
Dans cette situation si délicate pour le couple, le soignant a un rôle essentiel à jouer. Je développerai plus particulièrement le rôle des sages-femmes au sein de ce processus. En effet, ces dernières interviennent au cœur de la sexualité des femmes : à la fois en amont de la grossesse, avec le suivi gynécologique, puis durant l’ensemble de la gestation, et enfin dans le postpartum. Elles ont donc un rôle essentiel d’accompagnement et d’information à jouer vis-à-vis de la santé sexuelle des couples.
Dans cette situation si délicate pour le couple, le soignant a un rôle essentiel à jouer. Je développerai plus particulièrement le rôle des sages-femmes au sein de ce processus. En effet, ces dernières interviennent au cœur de la sexualité des femmes : à la fois en amont de la grossesse, avec le suivi gynécologique, puis durant l’ensemble de la gestation, et enfin dans le postpartum. Elles ont donc un rôle essentiel d’accompagnement et d’information à jouer vis-à-vis de la santé sexuelle des couples.
Quelle information est apportée aux femmes et est-elle suffisante ?
Je me suis posé la question suivante : l’information dispensée par les sages-femmes est-elle en adéquation avec les besoins des femmes concernant la sexualité du postpartum ? Autrement dit, les sages-femmes apportent-elles les informations dont ont besoin les femmes à propos de la sexualité après l’accouchement ?
Afin de répondre à cette question, j’ai créé deux questionnaires en parallèle.
- Le premier était destiné aux sages-femmes et le second aux patientes. Les sages-femmes ciblées étaient issues de différents modes d’activité afin d’obtenir un échantillon le plus représentatif possible de la population française. Ont donc été incluses toutes les sages-femmes libérales du département du Gard, toutes les sages-femmes travaillant en centre de Protection Maternelle et Infantile (PMI) du Gard, et l’ensemble des sages-femmes du centre hospitalo-universitaire de Nîmes (maternité de niveau 3), soit 141 sages-femmes (83 sages-femmes libérales, 14 sages-femmes de PMI et 44 sages-femmes hospitalières).
Ces sages-femmes ont été sollicitées par voie électronique et postale.
- Le second questionnaire s’adressait aux femmes dans le postpartum. Initialement, cette étude s’adressait également aux conjoints, mais les contraintes de l’étude n’ont pas permis de conserver cette solution. Ont donc été ciblées dans cette étude, toutes les patientes présentes à la maternité du centre hospitalo-universitaire de Nîmes entre le 1er février et le 1er avril 2014. Ont été exclues toutes les femmes ayant eu une interruption médicale de grossesse, une mort fœtale in utero, ne parlant pas français, n’ayant pas de partenaire ou ne pouvant être contactée par téléphone ou mail. Sur 242 femmes présentes dans la période concernée, 201 ont donc été incluses à l’échantillon. Chaque femme a ensuite été contactée deux mois après son accouchement afin de remplir le questionnaire par voie téléphonique ou électronique. Sur l’ensemble des questionnaires envoyés, cette étude a eu un taux de réponse de 81,6 % pour l’ensemble des sages-femmes (soit 115 réponses) et 52,2 % pour l’ensemble des femmes incluses (soit 105 réponses).
L’analyse de ces deux types de questionnaires mis en parallèle a permis de comparer les pratiques et les représentations des femmes et des sages-femmes concernant la sexualité du postpartum. Tout d’abord, elle met en avant qu’il existe un contexte favorable à la discussion concernant la sexualité du postpartum, grâce à la présence d’une relation de confiance entre sages-femmes et patientes. De plus, les sages-femmes et les femmes s’accordent pour dire qu’il est essentiel d’aborder la sexualité du postpartum. En effet, 83 % des femmes estiment que la sexualité après l’accouchement est importante pour le bon fonctionnement de leur couple. La sexualité du postpartum est donc réaffirmée comme un sujet majeur, faisant partie intégrante de la vie des femmes et des couples après la naissance de l’enfant.
Dans l’ensemble, les femmes étaient satisfaites de l’information qui leur avait été apportée par les sages-femmes concernant la sexualité après l’accouchement, soit 64,7 % de notre échantillon.
Cela signifie qu’il reste tout de même près d’un tiers des patientes qui en étaient insatisfaites. Pourquoi ?
La comparaison des questionnaires professionnels/patientes a permis de mettre en évidence des inadéquations entre les attentes des patientes et les pratiques des sages-femmes. Tout d’abord, il existait un décalage entre les sujets que souhaitaient aborder les femmes et ceux abordés par les sages-femmes, avec notamment une carence concernant les sujets tels que les changements du corps dans le postpartum et la dyspareunie. J’aimerais insister sur ces points car ils me paraissent essentiels. En effet, l’image du corps est une partie intégrante de la sexualité, il semble donc indispensable d’en parler avec les femmes lors de cette période agitée qu’est le postpartum. Une simple information suffit souvent à les rassurer et à envisager plus sereinement les modifications de leur corps. Dans le cas contraire, la femme risque de se construire une image négative de son corps, entraînant des troubles de la sexualité et de l’équilibre du couple, dans un moment où ceux-ci sont déjà fortement bousculés.
Parallèlement, il est absolument nécessaire d’aborder la dyspareunie, qu’elle soit existante ou redoutée ; en effet, cette affection, si peu évoquée auprès des femmes (7,6 % des femmes avaient reçu une information dans notre échantillon) toucherait entre 41 % et 67 % des femmes dans les trois mois suivant l’accouchement (4, 5). La seconde inadéquation tient au fait que les sages-femmes n’abordent pas la sexualité du postpartum « au bon moment ».
EMILIE GROMAN
Sage-femme diplômée de l’Ecole de maïeutique de Nîmes, Université de Montpellier
Afin de répondre à cette question, j’ai créé deux questionnaires en parallèle.
- Le premier était destiné aux sages-femmes et le second aux patientes. Les sages-femmes ciblées étaient issues de différents modes d’activité afin d’obtenir un échantillon le plus représentatif possible de la population française. Ont donc été incluses toutes les sages-femmes libérales du département du Gard, toutes les sages-femmes travaillant en centre de Protection Maternelle et Infantile (PMI) du Gard, et l’ensemble des sages-femmes du centre hospitalo-universitaire de Nîmes (maternité de niveau 3), soit 141 sages-femmes (83 sages-femmes libérales, 14 sages-femmes de PMI et 44 sages-femmes hospitalières).
Ces sages-femmes ont été sollicitées par voie électronique et postale.
- Le second questionnaire s’adressait aux femmes dans le postpartum. Initialement, cette étude s’adressait également aux conjoints, mais les contraintes de l’étude n’ont pas permis de conserver cette solution. Ont donc été ciblées dans cette étude, toutes les patientes présentes à la maternité du centre hospitalo-universitaire de Nîmes entre le 1er février et le 1er avril 2014. Ont été exclues toutes les femmes ayant eu une interruption médicale de grossesse, une mort fœtale in utero, ne parlant pas français, n’ayant pas de partenaire ou ne pouvant être contactée par téléphone ou mail. Sur 242 femmes présentes dans la période concernée, 201 ont donc été incluses à l’échantillon. Chaque femme a ensuite été contactée deux mois après son accouchement afin de remplir le questionnaire par voie téléphonique ou électronique. Sur l’ensemble des questionnaires envoyés, cette étude a eu un taux de réponse de 81,6 % pour l’ensemble des sages-femmes (soit 115 réponses) et 52,2 % pour l’ensemble des femmes incluses (soit 105 réponses).
L’analyse de ces deux types de questionnaires mis en parallèle a permis de comparer les pratiques et les représentations des femmes et des sages-femmes concernant la sexualité du postpartum. Tout d’abord, elle met en avant qu’il existe un contexte favorable à la discussion concernant la sexualité du postpartum, grâce à la présence d’une relation de confiance entre sages-femmes et patientes. De plus, les sages-femmes et les femmes s’accordent pour dire qu’il est essentiel d’aborder la sexualité du postpartum. En effet, 83 % des femmes estiment que la sexualité après l’accouchement est importante pour le bon fonctionnement de leur couple. La sexualité du postpartum est donc réaffirmée comme un sujet majeur, faisant partie intégrante de la vie des femmes et des couples après la naissance de l’enfant.
Dans l’ensemble, les femmes étaient satisfaites de l’information qui leur avait été apportée par les sages-femmes concernant la sexualité après l’accouchement, soit 64,7 % de notre échantillon.
Cela signifie qu’il reste tout de même près d’un tiers des patientes qui en étaient insatisfaites. Pourquoi ?
La comparaison des questionnaires professionnels/patientes a permis de mettre en évidence des inadéquations entre les attentes des patientes et les pratiques des sages-femmes. Tout d’abord, il existait un décalage entre les sujets que souhaitaient aborder les femmes et ceux abordés par les sages-femmes, avec notamment une carence concernant les sujets tels que les changements du corps dans le postpartum et la dyspareunie. J’aimerais insister sur ces points car ils me paraissent essentiels. En effet, l’image du corps est une partie intégrante de la sexualité, il semble donc indispensable d’en parler avec les femmes lors de cette période agitée qu’est le postpartum. Une simple information suffit souvent à les rassurer et à envisager plus sereinement les modifications de leur corps. Dans le cas contraire, la femme risque de se construire une image négative de son corps, entraînant des troubles de la sexualité et de l’équilibre du couple, dans un moment où ceux-ci sont déjà fortement bousculés.
Parallèlement, il est absolument nécessaire d’aborder la dyspareunie, qu’elle soit existante ou redoutée ; en effet, cette affection, si peu évoquée auprès des femmes (7,6 % des femmes avaient reçu une information dans notre échantillon) toucherait entre 41 % et 67 % des femmes dans les trois mois suivant l’accouchement (4, 5). La seconde inadéquation tient au fait que les sages-femmes n’abordent pas la sexualité du postpartum « au bon moment ».
EMILIE GROMAN
Sage-femme diplômée de l’Ecole de maïeutique de Nîmes, Université de Montpellier